Saturday, March 02, 2013

La petite princesse



Sous les combles, attachée avec un takate kote classique et solide par ma chère Aloysse, son chéri Lorex prend le relais. Avec son bandeau, il couvre mes yeux, et ils s'amusent à tour de rôle à m'encorder.
Par leur odeur, ou leur taille, par des petites indices je reconnais mon attacheur : Aloysse s'appuie parfois avec son corps; Lorex est plus aérien... complicité...

Je voyage, je ne me rends pas compte que je suis déjà partie si loin. Une à une mes jambes sont hissées, de plus en plus haut — je suis manipulée, suspendue, je flotte...

L'émotion me prend de force.

"J'ai peur !"
"Qui nous parle ? De quoi as-tu peur?"
La voix résonnante d'Aloysse me questionne.

" Je suis une petite fille... j'ai peur du vide, je vais vomir !"

"Le vide n'est pas vide. Il est plein de tout ce que tu y as mis. Il faut laisser les émotions t'envahir, les absorber; il faut accepter de grandir, petite fille. Tu essaies de toute contrôler, il faut lâcher prise. "

"J'ai mal"
"Où est-ce que t'as mal ?"
"Entre les omoplates"

Je vois une point noir énergétique qui radie entre mes omoplates, à l'envers de mon Heart chakra. J'y ressens une douleur, alors qu'il n'y a pas de corde à cette endroit, c'est juste mon mal-être. Tout est noir dans ce vide, je ressens mon corps manipulé comme un bébé sortie du ventre de sa mère.

J'étais à la limite de m'effondrer en larmes, de m'éclater en sanglots.

Sans un mot, ils me ramènent par terre, debout.  Ils m'entourent avec leur corps, me rassure avec un tendre câlin —Aloysse devant, Lorex derrière.
Mais la séance n'est pas encore terminée. Lorex me descend par terre, il place un pull sous ma tête, petite douceur.
Puis, il me hisse encore, mais moins haut, me faisant tourner, doucement. Je ressens leur tendresse dans cette façon de m'aider à descendre de cette régression de la petite princesse de 4-5 ans.
Repartir par terre, bercée par les cordes, léger, léger dans le corps, loin loin.

***
Vomir le vide.
Le néant.
Le mal de vivre.

***
Le bandeau est enlevé, je reviens au moment présent lentement, comme une naissance.

"As-tu fait une chute quand tu étais petite ?", me demande Aloysse.
Mon enfance, cette manque d'amour ! Quand je pense à mon petite enfance, je ne vois que du noir.
Pas de souvenir de tendresse, des câlins, des bercements. Une mère narcissique, un père colérique, des parents volatiles. La distance affective anglo-saxon, mais le contact physique via des gifles, les fessées (à la main, avec une chaussure pris sur le vif,  ou une brosse). J'ai vite appris à me cacher - de mentir, et de rester dans mon monde. Sûrement, ils ont fait ce qu'ils pouvaient.

La pathologie des objets matériels : "aimer" mes parents pour obtenir mon "héritage" - cette promesse qui qualifie toujours leur amour, comme une récompense qui n'arrive jamais.

Pourquoi cette régression, pourquoi maintenant ? Je cherche, sans trouver une réponse précise.
Sûrement, il y a quelque chose. Pourquoi je faisais pipi au lit très longtemps, pourquoi je me protégeais autant de ma famille, le manque d'intérêt que je portais à mes sœurs... et finalement d'aller vivre si loin d'eux. Solitaire, et peut-être un peu farouche, finalement.
La peur d'être aimée pour qui je suis (ou pas), si je me laisse approcher, si je suis vulnérable .

"Nous pouvons aimer nos parents par amour filial. Penses à la différence entre Être et Avoir : d'être aimé pour son "être", ou bien pour son "avoir", me répond  Aloysse.

Je ne les prends pas pour mes parents, mais je suis consciente qu'il y a quelque chose dans mon choix de "jouer" avec un couple, que ça soit dans le passé, ou dans le présente. Une recherche entre autre de ressentir cette amour, cette fragilité.
Et moi, je leur dis que je les aime !

"Nous t'aimons aussi, princesse" m'affirme Aloysse.






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photographie 
Form © Haikman 2008
Deviant Art





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